Et si Facebook avait existé durant la seconde guerre mondiale? Ou comment apprendre l’histoire autrement

« Germain Ducret » est un projet d’école fascinant pour vivre l’histoire avec les moyens d’aujourd’hui.

Cela fait maintenant plus d’un an que je suis tombée sur cet article LeDauphine_GermainDucret d’un projet d’école pas commun pour faire découvrir aux lycéens de Gabriel-Fauré à Annecy l’histoire à travers les moyens actuels tels que les réseaux sociaux.

La mission des lycéens; se glisser dans la peau d’un personnage fictif et raconter son quotidien annécien en temps de guerre sur son mur Facebook. Une expérience aussi inédite que geniale – qui trotte depuis dans ma tête et que je souhaite partager avec vous. Elle mérite d’être connue, démultipliée et répétée.

Le projet: Un personnage de fiction, Germain Ducret, imaginé par les lycéens, communique régulièrement avec son entourage grâce à son smartphone. Il rend compte de sa vie quotidienne à Annecy durant la Seconde Guerre mondiale. Presque chaque jour, il envoie des photos en noir et blancs prises sur le vif au coeur de la Haute-Savoie, entre 1936 et 1945, pour communiquer avec ses proches, sa famille et ses amis.

Pour en apprendre plus et surtout avoir un retour sur expérience, j’ai contacté le professeur Jean-Marc Villermet, qui a gentiment accepté de me donner des informations plus détaillées sur ce projet.

L’idée du projet « Germain Ducret » est née d’un constat de déconnexion des lycéens  de leur lieu de vie et d’un certain manque de repères (suite à un déménagement par exemple). A l’époque de la mondialisation, il s’agit de s’appuyer sur des exemples locaux au moment ou beaucoup d’élèves ne connaissent pas l’histoire récente du territoire sur lequel ils vivent. Les professeurs Villermet et Gestin ont donc souhaité lier l’histoire, géographie, éducation morale et civique dans un projet inédit mettant l’élève au centre de la réflexion.

Le projet ne vise pas à raconter l’histoire de la Guerre de 1939-1945, un cours ayant eu lieu en amont en classe. Il s’agit plutôt de permettre une reflexion sur des phénomènes qui ont impact la société « l’entre-deux-guerres mondiales » puis la « collaboration », la « résistance », la « libération », en suivant le parcours singulier d’un citoyen ordinaire installé dans une ville francaise de province. Une réflexion à mener sur des questions telles que: comment résister à un envahisseur? comment devient-on résistant? commment peut-on rester spectateur? qu’est-ce que j’aurais fait, moi, dans cette situation?

Une telle initiative ne s’improvise pas – des ressources, une bonne préparation de la structures, des règles du jeu (p.ex. les conditions d’utilisation des données Facebook) mais aussi en terme de sources d’informations est nécessaire.  Premièrement les professeurs avaient constaté que très peu de souvenirs de l’époque de la Deuxième Guerre Mondiale étaient encore existants dans les familles. Les élèves étaient demandés d’emmener des photos ou objets dans leurs disposition mais très vite, il était évident qu’il fallait puiser dans des ressources externes pour alimenter le projet. Les archives départementales devenait donc un partenaire incontournable du Lycee et un vrai vivier d’informations notamment en terme de reproduction de photos.

Ces informations sur des événements dans la région, des photos, des articles etc. servaient à alimenter régulièrement le travail des élèves. Leur nombre a été volontairement restreint à 15 élèves afin de pouvoir consacrer suffisamment de temps pour chaque membre du groupe de travail et d’avoir un suivi individuel.

Le projet invite les élèves à leur faire découvrir des parcours et des projets de personnages. Il offre l’opportunité de contextualiser les faits en évoquant l’occupation, la présence des idéologies, fascisme et nazisme, l’existence d’un régime politique Vichy, qui va à l’encontre des valeurs républicaines. La conception du parcours de Germain Ducret engendre des questions éthiques, en particulier à propos des rafles et de la « déportation », pendant la guerre on parle surtout de « disparitions », au sujet de la violence exercée contre un certain nombre de populations.

Concrètement – comment démarrer le projet? 

La naissance de Germain Ducret

Les 15 élèves ont tout d’abord fait un brainstorming pour définir le personnage fictif: le sexe, l’âge, son lieu de naissance, son métier, son nom. Le pré-requis: créer un personnage totalement fictif pour ne pas porter quelconque préjudice à un individu, une association, une famille. Une photo libre de droit (et avec l’accord de la famille de la personne sur la photo) a été sélectionnée afin de donner un visage au personnage, puis le compte FB a été ouvert.

Ensuite, les élèves ont travaillé étroitement avec la médiathèque afin de se documenter sur l’époque en Haute-Savoie. Pour ce cas précis, c’est notamment le livre « La vie quotidienne à Annecy pendant la Guerre 1939-1945 », de Michel Germain aux éditions La Fontaine de Siloé (2005) qui a servi comme source d’informations. Chaque membre du groupe de travail était en charge d’un aspect, d’un chapitre de la guerre et devait présenter sa partie sous forme de powerpoint – à travers le personnage de Germain Ducret. Pour cette préparation, ils disposaient de 15 jours. Les premières difficultés rencontrées par les élèves: la reproduction du texte était tout à fait correcte mais il leur était plus difficile de s’identifier avec le personnage. Un suivi étroit par les professeurs était utile pour leur permettre de devenir acteur eux-mêmes, de se mettre dans la peau de Germain Ducret.

Les élèves étaient également invités à apporter des objets datant de la Seconde Guerre Mondiale: photos, dessins, génériques musicales mettant scène des objets souvenir pour entretenir une petite flamme tout au long du projet et nourrir leurs textes et présentations. Puis ils ont visité les archives départementales. Les professeurs se chargeaient à donner un cadre aux présentations des élèves on écrivant l’introduction et conclusion.

Après trois mois de travail intense, le projet se termine avec le décès de Germain Ducret. Un petit secret m’a été dévoilé par le professeur Villermet, sa cause de décès est identique à celle de l’homme qui a prêté son visage à Germain Ducret.

Un bilan très positif de cette première:

850 personnes suivent la page FB de Germain Ducret, plus de 20.000 lectures des différents posts, les lecteurs ont contribué à la page en contribuant aux différents articles, en reconnaissant les lieux présentés par Germain Ducret. Coté des élèves ils se sont appropriés l’époque dans leur région à travers leur personnage, ils ont apprécié d’avoir des échos en direct sur le travail de la part de lecteurs impliqués.

Comme toujours sur les réseaux sociaux, un suivi et la gestion des commentaires est nécessaire afin d’éviter tout dérive.

La force de ce projet est selon moi la contextualisation par l’identification avec un personnage précis. Les élèves s’approprient l’histoire. Le projet rapproche ainsi cette époque qui semble déjà tellement loin aux jeunes d’aujourd’hui tout en ouvrant le débat sur son propre engagement dans un contexte particulier.

Curieux? Alors je vous invite à découvrir la vie de Germain Ducret! Et peut-être vous serez inspirés à en parler autour de vous – à vos professeurs, les professeurs de vos enfants. Je suis convaincue que cette initiative mérite sur tous les tableaux d’être dupliquée!!! N’hésitez pas à me contacter si jamais ça vous intéresse de vous lancer sur un projet similaire, je suis partante!

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